Tesla vient d’annoncer que la troisième version de son toit photovoltaïque était le bon, le résultat est esthétiquement probant et la performance énergétique au rdv. Une belle leçon de persévérance, tant ce développement a rencontré beaucoup de difficultés. Mais Tesla nous y a habitués. La persévérance fait partie intégrante de son ADN.
Une question se pose fréquemment en innovation : Quand faut-il arrêter ou persévérer ? Et quelle est la limite entre la persévérance et l’entêtement ?
La persévérance et l’entêtement ont en commun le fait de continuer à pousser les options malgré l’adversité. La grande différence se situe dans la façon d’opérer. Si l'entêtement est soutenu par sa résistance à l'écoute des raisons, la persévérance se nourrit de la réflexion et des arguments, et peut donc changer de direction pour atteindre son but.
Un persévérant ne compromet jamais son objectif… au contraire, c’est son leitmotiv. Par contre il fera en sorte de choisir le meilleur moyen de l’atteindre en prenant en compte le contexte, les feedbacks, les blocages…quitte à changer la façon d’opérer. En cela, il développe l’intelligence de situation.
Quelqu’un qui s’entête reste bloqué sur son objectif en imposant sa façon de faire aux autres. Il devient sourd, aveugle et s’enferme à reproduire à la lettre une méthode en espérant un résultat précis différent de celui obtenu jusque-là. Ce qui le conduit inévitablement à l’échec dans notre monde complexe.
Qu’est ce qui conduit quelqu’un à s’entêter ?
- Sa personnalité ? En partie. L’entêtement est la persévérance poussée à l’extrême… Il a besoin de la persévérance comme terreau…
- Mais la personnalité n’est pas la seule responsable du basculement vers l’obstination. L’environnement joue une part primordiale. Paradoxalement, alors que l’on perçoit l’entêté comme mentalement « fort » car imperméable aux facteurs d’influence, sa réalité est empreinte de peur. Peur d’échouer, peur de perdre quelque chose d’important qui le met dans un état de stress intense. Les scientifiques ont démontré que le stress génère une perte de la capacité de réfléchir différemment…et conduit systématiquement les personnes à reproduire ce qu’elles savent faire, sans la moindre once de créativité. Des études chez l’animal ont ainsi démontré que sous stress majeur et continu, les zones du cerveau connues pour leur contribution à la pensée analytique et à la décision, s’atrophient, alors que la zone des comportements mécaniques se développe.
Un entêté est donc un persévérant en état de stress intense le conduisant à reproduire des comportements mécaniques.
Quelques exemples observés en entreprise
- Une direction s’entête à soutenir un produit mort-né…parce qu’elle a massivement investi. N’ayant aucun plan B pouvant prendre le relai… elle poursuit les investissements de peur d’échouer (c’est ça ou rien…). Elle ne se sentira pas responsable de l’échec car elle aura « donné » les moyens.
- Un innovateur ayant un historique de succès commerciaux…peut imposer sa façon de faire en cas d’adversité par peur de perdre sa réputation de visionnaire. Il s’autopersuadera, de par son expérience probante, que sa façon de faire est la meilleure.
- Un manager sous stress intense peut devenir tyrannique et intolérant aux mauvaises nouvelles laissant ses collaborateurs médusés, n’osant plus alerter le manager des feedbacks négatifs…alimentant encore plus l’aveuglément collectif
- Une équipe d’innovation, peu confiante, peut éviter de tester ses options de peur des résultats… et continuera à développer sa technologie « au moins le temps d’être meilleure »…sauf qu’ils ne seront jamais prêts à la tester
- Un innovateur amoureux de son idée devient sourd aux feedbacks de peur que sa solution à laquelle il tient tant ne soit pas développée
- …
Comment opérer ?
Mettre une pression supplémentaire à une personne entêtée en espérant la faire changer de comportement…ne fait que renforcer l’entêtement en augmentant son stress. Si le stress est déjà très intense, un coaching peut être une solution efficace et rapide avant de reprendre la main.
La clé pour privilégier la persévérance en évitant l’obstination stérile consiste à développer un climat de confiance dans l’adversité
- Accorder le droit à l’erreur, en valorisant les efforts, la manière de faire et la capacité de rebond plus que les résultats.
- Reconnaitre vos propres erreurs. Dans ce monde complexe, les bonnes décisions ne sont pas toujours faciles à prendre, l’important est d’apprendre de ces situations pour rebondir sans compromettre ses objectifs
- Fixer et valoriser les résultats intermédiaires, même minimes
- Remémorer des expériences difficiles de l’équipe, comment a-telle réussi à les surmonter avec brio ? Qu’est-ce qu’elle pourrait réactiver ?
- Encourager dans l’adversité, coacher l’équipe à transformer les obstacles en opportunités par des questionnements simples et « décalés »
- Partager ses propres difficultés et encourager l’entraide. J’ai un problème. Pouvez- vous m’aider? Merci. Et moi, comment puis-je vous aider ?
- Systématiser les bilans en cas d’échec et de réussite, non pour déterminer les responsabilités, mais pour en tirer des enseignements constructifs
- Favoriser la transparence, les échanges francs et constructifs, écouter vraiment
- Valoriser les différences pour construire des solutions solides à tout point de vue
- Les encourager à développer leur curiosité et à s’inspirer d’autres domaines (vivent-ils les mêmes problèmes ? Sont-ils plus avancés ? Quelles solutions intéressantes mettent ils en place ?… Que ferait Steve Jobs, Nelson Mandela dans leur situation, l’entreprise X connue pour sa clairvoyance ?….
- ….
Et finalement comment décider de persévérer ou d’arrêter si les résultats tardent à arriver ?
- Si la persévérance de l’équipe est démontrée, et que malgré tous les ajustements ou pivots, le projet semble impossible à réaliser, il est peut être préférable de l’arrêter définitivement ou le reprendre plus tard lors de l’émergence d’une nouvelle technologie ou nouvelle tendance sociale. L’équipe doit cependant repartir avec le sentiment qu’elle a mis tous les moyens possibles pour tenter l’impossible. Condition sine quoi none pour se réengager avec confiance dans une autre mission.
- Si au contraire l’équipe montre des signes d’entêtement lié à son stress, les conditions n’ont pas été optimales pour innover. La continuation du projet nécessitera un vrai changement d’attitudes, de climat et de méthodes.
Comme le mentionne Bertrand Picard de Solar Impluse, « La réussite arrivera, si vous essayez une fois de plus que le nombre d’échecs. A condition bien sûr d’essayer chaque fois autrement, à une altitude différente et par d’autres moyens. Sinon, cela s’appellera de l’acharnement et non de la persévérance ! ». Le tout, étant de développer la confiance et la croyance d’y arriver.
Article rédigé par Christiane Brackman, coach en innovation et accompagnement au changement chez ActInedit https://www.actinedit.com/, brackman.christiane@orange.fr
Sources :
http://makinginnovationshappen.com/perseverance-blissful-obstinacy-disastrous-innovation/
https://www.santeweb.ch/Rubriques/Stress/Actualites/Le_stress_modifie_la_structure_nerveuse_et_elimine_la_creativite.html
https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2015/09/8259-5-regles-pour-mieux-innover-lexemple-de-solar-impulse/
https://fondamentalent.com/talent-et-succes-lechec-comme-origine-de-la-reussite/