Connaissez-vous le point commun du New Coke (1980), le Ford Edsel, le film « Howard the duck » de Georges Lucas, l’iridium de Motorola, … ? Ce sont tous des produits très bien exécutés techniquement et commercialement…et s’étant soldés par un flop commercial faute de consommateurs intéressés…Comment de grandes firmes ayant massivement investi dans des études de marché et ayant parfaitement exécuté les lancements se sont à ce point trompées dans le potentiel commercial de leur « innovation » ? Et pourquoi, selon Nielsen Research, 80% des offres innovantes parfaitement exécutées se soldent par un échec commercial ?
Auriez-vous pensé utiliser si souvent votre première tablette avant d’en tester une concrètement ? Difficile à prédire sans expérimentation sur plusieurs jours. C’est pourtant ce que les études de marché peuvent vous engager à deviner. Et comment être certain que le client achètera le produit innovant sans l’engager réellement dans un acte d’achat ? Selon Alberto Savoia, ce sont bien là les limites des études de marché basées sur de simples déclarations d’intérêt. Parce que les offres sont totalement nouvelles et inconnues, les clients ont besoin de les tester concrètement pour mesurer leur impact sur leur quotidien…et comprendre en quoi ils pourraient être intéressés à l’achat.
Et si on pouvait expérimenter à coût dérisoire l’usage d’un produit innovant avant qu’il n’existe? C’est le rôle des prétotypes (prototypes préliminaires) qui s’avèrent être des alliés précieux pour s’assurer de l’attrait de l’offre auprès de consommateurs avant même de se lancer dans les coûteux développements en temps et en argent de services innovants ou technologies complexes.
Comment? En reproduisant expérimentalement et artificiellement les effets (usages) espérés.
Exemple : Pour reproduire l’effet de la réalité augmentée sans la technologie, des développeurs ont réalisé un prétotype constitué d’une petite plateforme mise autour du cou du testeur, supportant un petit video projecteur, projetant des objets « virtuels » sur un écran en plastique transparent. Le testeur pouvait ainsi expérimenter la sensation d’objets virtuels qui venaient s’incruster dans son champ visuel pour valider les bénéfices, découvrir de nouvelles applications et les améliorations à apporter. Pour mesurer ensuite l’engagement d’achat réel, les développeurs ont créé un « site web » de commandes fictives. Si 15% au moins des personnes ayant visionné des vidéos promotionnelles des lunettes à réalité virtuelle, cliquaient sur le bouton « commande » à un prix de …le test était validé … Ce n’est qu’après tous ces tests, que les développeurs ont ensuite mis au point la technologie complexe.
Les prétotypes sont donc des prototypes…qui font « semblant »… pour répondre à la question : si nous développons cette idée, est ce que les utilisateurs l’utiliseront, l’achèteront et la recommanderont? En cela ils se distinguent des autres prototypes techniques et fonctionnels (POC MPV…)
Prétotypes : focus sur l’utilisateur, la désirabilité et la viabilité marché
| POC & prototypes: focus sur la technologie, la faisabilité et les coûts associés |
Questions auxquelles ils répondent Est -il attrayant pour les utilisateurs ? Est-ce addictif ? Auraient ils envie de recommencer ? Quels problèmes résout-il ? Quels seraient les usages ? Les utilisateurs l’utiliseraient-ils comme nous l’imaginons, différemment, pour quelle valeur ? Seraient-ils prêts à payer pour ce produit/service ? | Questions auxquelles ils répondent Peut-on le réaliser ? Va-t-il fonctionner comme attendu ? Comment peut le créer à moindre coût ? A quelle vitesse peut on le faire ? |
Format : croquis, maquettes papiers, légos, videos, photos, BD, motion design, simulations, website… | Format : des maquettes et produits de plus en plus complexes et fonctionnels |
Coûts et temps de réalisation: minimes | Coûts et temps de réalisation: très variables en fonction de la complexité et de l’état de fonctionnement |
Si vous interviewez des développeurs, plusieurs mentionneront qu’ils font déjà des prétotypes. Mais parlent-ils de la même chose ? Testent-ils réellement l’attrait d’un concept de façon expérimentale avant de concevoir leur technologie ? De ce que je vois en entreprise, notamment dans les high tech, la réponse est malheureusement non. Tellement amoureux de leur idée… ou de la technologie, ils commencent à tester l’acceptabilité clients une fois avoir déjà bien investi dans les POC et la technologie. Ces observations recoupent les résultats de MacKinsey, montrant que plus de 60% des entreprises, n'utilisent des prototypes, que vers la fin de leur process pour des validations internes. Par ailleurs les tests des prototypes sont souvent réalisés avec des biais (tendance à survendre plutôt que de faire expérimenter, peu d’indicateurs précis de validation des hypothèses). Est-ce lié à un manque de savoir-faire pour tester objectivement…ou sont-ils juste trop émotionnellement impliqués dans leur développement pour ne pas pouvoir s’empêcher de promouvoir au lieu de tester ? C'est légitime mais quoiqu’il en soit les biais sont très nombreux.
Pour être efficace un prétotype doit:
5 bonnes raisons de recourir aux prétotypes :
En final, les prétotypes permettent d’innover mieux en augmentant ses chances de succès commercial, plus vite et à un coût minimal au départ comme l’indique le graphe ci-après.…
Si ces prétotypes sont si peu chers et si révélateurs du potentiel business, comment expliquer qu’ils ne soient pas si souvent exploités ? Toute la difficulté réside dans un changement de culture de l’innovation. Travaillant principalement pour des grands groupes et des high tech…je constate que les ingénieurs restent fondamentalement focalisés sur la technologie, plutôt que sur les usages et les utilisateurs… d’où leur très faible appétence pour les prétotypes.
Comme le mentionne si bien Laurent Hausermann, «Le Prototyping est une démarche de scientifico-technique visant à confronter une idée à la réalité des technologies actuelles. Le Pretotyping permet de valider l'intérêt pour un produit et de cerner son usage. Le Prototyping est l’outil de l’ingénieur. Le Pretotyping est l’outil de l'innovateur ».
La différence réside bien dans la culture de l’innovation. Souhaite t-on valoriser nos produits (développer de meilleurs appareils photos) ou souhaite on valoriser nos clients grâce à nos produits (développer de meilleurs photographes grâce à des appareils adaptés?)
Prétotyper est un moyen rapide de valider son concept sans investir beaucoup de budget et de temps. Il évite des échecs commerciaux des produits ou services pourtant absolument bien exécutés. Les techniques sont facilement accessibles et demandent juste un peu de créativité et d’ingéniosité. La difficulté majeure réside dans la culture de innovation. Etes-vous orienté offre ou client ? Si vous avez subit un échec commercial d’une offre innovante, essayez de répondre à ces quelques questions:
Au plaisir d’en discuter si vous le souhaitez
Article rédigé par Christiane Brackman, coach en innovation et accompagnement au changement CEO ActInedit https://www.actinedit.com/, brackman.christiane@orange.fr
Sources
The Right It: Why So Many Ideas Fail and How to Make Sure Yours Succeed de Alberto Savoia –2019
https://www.mckinsey.com/~/media/McKinsey/Business%20Functions/McKinsey%20Design/Our%20insights/The%20business%20value%20of%20design/The-business-value-of-design-vF.ashx
https://www.usine-digitale.fr/editorial/fabriquer-les-usages-du-quotidien-grace-aux-pretotypes.N340267
https://medium.com/go-weekly-blog/what-is-pretotyping-c0968c6ca37d
http://www.laurenthausermann.com/blog/pretotyping-apprendre-avant-echouer